Source : "Trois sophistes au siècle de Périclès
: Protagoras, Gorgias et Hippias".
Les sophistes sont des maîtres de rhétorique et de
philosophie qui enseignaient, au 5e siècle av. J.-C., l'art de parler
en public et de défendre toutes les thèses, même contradictoires, avec
des arguments subtils.
Au siècle de Périclès, la philosophie est encore inséparable
de la recherche scientifique. Ce n'est qu'"à la fin du 5e siècle
que la science et la philosophie commencent à se distinguer l'une de
l'autre : la science se centre sur la nature [...] et la philosophie sur
l'homme."
La pensée rationnelle amorce la recherche de sa
propre identité et commence tout juste à se désunir du non-rationnel.
Pour ce qui est de la religion, elle demeure encore dominante au début du
5e siècle, bien qu'elle soit contestée par plusieurs personnes, parmi
lesquelles figurent des sophistes. Les rapports entre la religion et les
premiers penseurs deviennent de plus en plus tendus, étant donné que
ceux-ci jugent et remettent en question plusieurs aspects de la tradition
religieuse.
A cette même époque, on assiste aussi à l'émergence
de la démocratie à Athènes. Ce régime a surtout progressé grâce
aux différentes réformes amenées par Dracon, Solon, Pisistrate et
finalement Clisthène.
Parmi ces réformes, on remarque entre autres celle de Clisthène, qui
retira les derniers privilèges des grandes familles et qui basa le statut
de citoyen sur un critère géographique plutôt que génétique ou économique,
en 507 av. J.-C.. Cette amélioration permit l'accès des citoyens de
toutes les classes sociales aux fonctions de magistrats ou de membres du
conseil. Selon certains historiens, ces réformes de Clisthène
donneraient naissance à la démocratie à Athènes, cependant, d'autres
la situent plutôt en 683 av. J.-C., où l'on assiste aux premières
fonctions électives dans l'aristocratie.
Les sophistes ont joué un rôle important à Athènes
puisque "la cité [avait] besoin d'eux pour éduquer les nouveaux
citoyens et les faire participer à la vie collective, l'éducation
ayant été jusqu'alors réservée aux aristocrates." Ils eurent donc
une influence décisive pour la culture athénienne.
Les sophistes, professeurs itinérants,
enseignaient la rhétorique, l'art de bien parler en public ainsi
que la dialectique, l'art de discuter, de défendre une thèse
contre un adversaire. Cet enseignement avait pour but de préparer l'élève
contre d'éventuels conflits de pensée ou d'action par l'antilogie.
Leur méthode visant la controverse, avait pour
avantage de développer l'esprit critique et par le fait même de
faciliter la rationalité. De plus, les sophistes agissaient en tant que
diffuseurs de la culture et des connaissances, ce qui favorisait un fonds
culturel commun. Finalement, ils préparaient leurs élèves à la logique
par leur analyse de l'argumentation ainsi que par leur préoccupation
pour la grammaire et le langage en tant que base de la pensée.
Leur existence nous en apprend également beaucoup sur la vie
intellectuelle de ce siècle.
Tout d'abord, ils nous informent que la connaissance
n'est plus uniquement réservée à une élite héréditaire et que l'on
peut apprendre beaucoup plus de choses qu'on ne le pense. Ils introduisent
aussi la notion de technique en éducation, c'est-à-dire que l'on peut
enseigner à penser, à bien parler, à discuter et à convaincre.
L'apport des sophistes au contexte intellectuel est considérable et
apporte un changement dans l'objet de la réflexion et de la nature à
l'humain. Ils sont à la base d'une révolution qui situe l'humain au
centre des questions fondamentales.
En conclusion, la contribution des sophistes à l'élaboration
de la pensée rationnelle fut remarquable. Grâce à eux, l'évolution
des rapports entre la philosophie, la science et la religion à cette époque
fut considérable et on assista à l'émergence de la démocratie. Ils jouèrent
un grand rôle à Athènes en portant leurs études sur un objet différent
de celui des "premiers penseurs"et en introduisant des attitudes
et des activités nouvelles. Sans les sophistes et leurs réformes, la
pensée rationnelle et le comportement humain seraient-ils les mêmes
aujourd'hui ?
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Dans cette éducation ancienne, l'élément intellectuel reste à un
niveau primaire.
Depuis le VIe siècle, il existe quelques écoles supérieures en
divers endroits du monde grec, écoles de médecine à Cnide et à Cos en
Ionie, écoles de philosophie en Ionie encore, école Pythagoricienne fondée
à Crotone, en Grande Grèce en 530.
Mais ces communautés de savants n'ont pas fait évoluer l'enseignement
traditionnel, ce sont les sophistes qui vont y apporter des innovations
capitales. Les plus anciens d'entre eux sont nés au début du Ve siècle
(Protagoras d'Abdère vers 485, Gorgias de Léontinoi vers
480) mais leur influence ne devient importante que dans la seconde partie
du siècle., Ils vont promouvoir l'enseignement intellectuel qui va
progressivement faire passer au second plan le sport et la musique (Aristophane,
Les Nuées), de plus en plus réservés à des professionnels.
Les sophistes assurent une sorte de préceptorat collectif. Ils
proposent aux jeunes gens des milieux aisés une formation supérieure
en trois quatre ans, moyennant une somme forfaitaire très élevée.
Entourés de leurs élèves, ils vont de ville en ville, et donnent
des exhibitions de leur savoir pour s'attirer de nouveaux disciples. Mais
ils séjournent souvent à Athènes qui apparaît vraiment comme le centre
intellectuel de la Grèce.
Ils connaissent auprès de la jeunesse un succès considérable
et auront une grande influence sur le développement de l'élite grecque ( Platon,
Protagoras).
Ces nouveaux maîtres répandent les connaissances nouvelles,
enseignant sous le nom de philosophie toute une culture générale (géométrie,
physique, astronomie, médecine, arts et techniques) qu'on ne peut
acquérir à l'école élémentaire. Mais leur véritable
objectif est de former à l'art de la politique les futurs chefs de la cité
(Platon,
Protagoras), ils veulent apprendre à leurs élèves à avoir
raison en toutes circonstances. Les deux piliers de leur enseignement sont
donc la dialectique, art de la discussion, qui permet de
soutenir, sur toute question, aussi bien le pour que le contre, et la rhétorique,
art de bien parler qui permet d'être persuasif sur n'importe quel sujet (Platon,
Gorgias).
Socrate et Platon sont de farouches adversaires des sophistes.
Platon nous montre Socrate ridiculisant leurs prétentions au savoir
universel (Platon,
Hippias Mineur). Mais ce que tous deux leur reprochent surtout
c'est leur immoralisme. Pour les sophistes en effet, l' important, c'est
l'efficacité, le pouvoir que donne la réussite, non pas la recherche de
la vérité ou le respect de la justice.
La vie et la mort de Socrate sont une protestation vigoureuse contre
cette indifférence. Dans Les Nuées, Aristophane se montre lui
aussi un adversaire résolu des sophistes. Mais il présente
abusivement Socrate comme l'un d'entre eux, ridiculisant à travers lui le
pédantisme, l'érudition stérile des sophistes et la perte de tout
objectif moral dans leur "nouvelle éducation".
Douze ans après que Socrate a bu la ciguë, en 387, Platon fonde
l'Académie dans le gymnase du même nom, au milieu des jardins d'Akadémos.
Cette école philosophique, comme celle qu'avait fondée Pythagore, n'est
pas seulement un centre d'enseignement intellectuel mais une sorte de
communauté religieuse : unis dans le culte des Muses puis dans le
souvenir de Platon héroïsé, philosophes et élèves cherchent la vérité
mais aussi la sagesse, ils s'efforcent de mener une "vie
philosophique", et travaillent à libérer leur âme des impuretés
et des servitudes du corps pour accéder à la contemplation de Dieu.
Le mythe de la caverne montre la puissance libératrice du savoir qui,
seul, peut affranchir l'âme, prisonnière des apparences par suite de son
inculture.(voir activités)
Mais cette recherche de la vérité et de la connaissance parfaite nécessite
un cursus éducatif très long (Platon,
La République). C'est ce qu'Isocrate reproche à Platon. Vers la même
époque, il fonde lui aussi une école. A ses yeux, la science parfaite (épistémé)
est inaccessible, et la philosophie souvent oiseuse (Isocrate,
Sur l'échange).
Ce qu'il souhaite, lui, c'est former des élèves à la vie politique
en les rendant capables d'avoir une opinion (doxa) juste et de
faire des choix raisonnables (Isocrate,
Sur l'échange). Le but de l'éducation n'est pas la conquête
d'une vérité inaccessible mais la maîtrise de la parole, savoir suprême
qui distingue l'homme de l'animal ( Isocrate,
Sur l'échange). Son école d'éloquence formera de nombreux lettrés
(Cicéron,
De Oratore) et aura une grande influence sur l'évolution de
l'enseignement, à dominante de plus en plus littéraire.
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